Thierry Metz, L’homme qui penche

J’avais déjà beaucoup aimé « Journal d’un manœuvre » découvert grâce à Joseph Ponthus. Dans « L’homme qui penche », Thierry Metz nous amène avec lui à l’hôpital psy où il fera deux séjours pour tenter de reprendre pied et vaincre son addiction à l’alcool. Il y croisera des compagnons de route qui, comme lui, entre le fumoir, les chambres et l’allée des marronniers tenteront de répondre à la question « Pourquoi ne peut-on éviter ce qui arrive ? ».

La très belle préface de Cédric Le Penven le résume bien mieux que moi : « Vous êtes au seuil d’une grande œuvre. Un homme vous attend, ‘un morceau de parole cassée dans la main’. Il va vous dire à voix haute ce qui chuchote en vous chaque fois que vous posez le pied par terre, chaque matin : rien ne va de soi. ».

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24.

Un homme marche dans les feuilles, non loin du pavillon. Il se déplace si lentement, avec tant de précautions qu’il ne s’aperçoit pas qu’un arbre le suit.

37.

Je pourrais rester ici longtemps. Dans le pyjama réglementaire. Manger chaque jour le petit pain de ce que pétrit le temps.

Bon ou mauvais.

38.

Je n’arrive pas à leur parler. Pas entièrement comme je voudrais. Je laisse des mots derrière les mots – arrivés mais cachés, en retrait de l’enterrement.

J’effleure ce que j’écris comme après une longue journée de travail.

Chaque mot m’essouffle.

42.

J’écris pour ne plus trop m’éloigner de ce que j’ai à faire.

Avec l’autre, celui qui voit tout : le buveur.

J’écris avec ce qui me reste, entre le pouce et l’index, dans un pincement d’étoile.

46.

J’ai voulu cet enfermement, cette réclusion parmi quelques visages, dans la parole imprévue, hors de l’admis. Un sevrage, une déshabitude. Lentement, comme si on suivait quelqu’un qui ne sait pas où il va.

Etant arrivé, peut-être.

87.

Aucun baiser le soir. Aucune tendresse. Le lit. Les compromis. L’avant-goût de pourrir sur un tas de feuilles mortes. Il y avait pourtant de quoi faire.

Il était une fois…