Lauren Bastide, Courir l’escargot

« L’escargot est lent. Quand il fait trop chaud l’escargot dort. Quand il fait trop froid aussi. L’escargot est de gauche, il sait qu’il faut travailler moins pour vivre mieux. Les choix politiques et philosophiques d’un animal qui existe depuis plus de cinq cents millions d’années, ça devrait nous mettre la puce à l’oreille.

(…)

Détester l’escargot, c’est avoir peur de l’altérité, se méfier du mou et de l’humide. L’escargot se classe du côté de la lune, du tendre et du fragile. Il est mal-aimé, déprécié, parce qu’il ne correspond pas aux canons de la virilité, parce qu’il n’est pas raide, dur, droit, tranchant, rapide. Détester l’escargot, c’est être un peu facho.

L’escargot est tout sauf lâche. L’escargot est puissant. Il peut porter jusqu’à cent soixante-dix fois son poids sur son dos. L’escargot est courageux, il est techniquement incapable de reculer. L’escargot est malin. Quel meilleur moyen d’économiser le temps de transport que d’avoir sa maison sur soi.

(…)

Le repli n’est pas un abandon. Il faut du courage pour se retirer. Il faut avoir confiance en la continuité du monde dehors et croire en sa faculté de résurrection. »