Il y a des matins en ruine
Où les mots trébuchent
Où les clés se dérobent
Où le chagrin voudrait s’afficher
Des jours
Où l’on se suspendrait
Au cou du premier passant
Pour le pain d’une parole
Pour le son d’un baiser
Des soirs
Où le cœur s’ensable
Où l’espoir se verrouille
Face aux barrières d’un regard
Des nuits
Où le rêve bute
Contre les murailles de l’ombre
Des heures
Où les terrasses
Sont toutes
Hors de portée.
…
Parcourir l’Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l’argile
Peu à peu
S’affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages
Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l’espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit
Evoquer ensuite
Au cœur d’une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l’asphalte Éloigné des jardins
Orphelin des forêts
Un arbre
Au tronc rêche
Aux branches taries
Aux feuilles longuement éteintes
S’unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Ecouter ces appels
Sentir sous l’écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies
Cheminer d’arbre en arbre
Explorant l’éphémère
Aller d’arbre en arbre
Dépistant la durée.
…
Les portes saignent qui nous séparent
Les heures sont des piliers de cendres
Le froid mord entre les chemins
Où tu n’es pas
Les ailes ont pris le poids des tombes
Pour se noyer avec mes mots
Dans les marais d’ennui
Je suis l’aride servante
De ce retour
Qui ne sera pas.
…
Jusqu’aux bords de ta vie
Tu porteras ton enfance
Ses fables et ses larmes
Ses grelots et ses peurs
Tout au long de tes jours
Te précède ton enfance
Entravant ta marche
Ou te frayant chemin
Singulier et magique
L’œil de ton enfance
Qui détient à sa source
L’univers des regards.
…
Jeunesse qui t’élances
Dans le fatras des mondes
Ne te défais pas à chaque ombre
Ne te courbe pas sous chaque fardeau
Que tes larmes irriguent
Plutôt qu’elles ne te rongent
Garde-toi des mots qui se dégradent
Garde-toi du feu qui pâlit
Ne laisse pas découdre tes songes
Ni réduire ton regard
Jeunesse entends-moi
Tu ne rêves pas en vain.
…
Le grain serré des morts
a tissé notre chair
Leurs rumeurs circulent
dans les replis du sang
Nous fléchissons parfois
sous le plein des ancêtres
Mais le présent sonne haut
qui trouble nos racines
qui détisse les trames
invente la route inouïe
Tout au centre de nous
la liberté rayonne
et ravive notre course
levant paroles de sel
Devançons notre peau
pour d’autres seuils à franchir
Que la mémoire du sang
Veille
sans abréger le jour !
…
La
Parole est captive
Parfois son souffle déborde
Et nous parvient
Alors bousculant nos vannes
Roulant nos mots hors de l’ornière
Réduisant nos rocs en cendres
Elle combat les ruses du fleuve
Se jette contre nos rivages
Dévaste le cours du temps
Plus souvent nos mots
Réduisent l’eau prodigue
Alors les canaux s’enchâssent
Le grand flot nous déserte
Laissant une fois de plus
Notre paysage à sec.
…
Le Hasard
Ne cesse de ramener
Vers nos rivages
Quelques merveilles
Que nous n’avions pas cueillies
Quelques malheurs
Que nous n’avions pas ourdis
Surgi des ténèbres
Ou de l’éclair
Le Hasard
Pose tantôt son aile
Sur notre épaule
Tantôt ses griffes
Dans la chair
Des nos vies.
…
Il faut
Du vide
Pour attirer
Le plein
Pour que s’explore
Le songe
Pour que s’infiltre
Le souffle
Pour que germe
Le fruit
Il nous faut
Tous ces creux
Et de l’inassouvi