Et je serai face à la mer
qui viendra baigner les galets.
Caresses d’eau, de vent et d’air.
Et de lumière. D’immensité.
Et en moi sera le désert.
N’y entrera que ciel léger.
Et je serai face à la mer
qui viendra battre les rochers.
Giflant. Cinglant. Usant la pierre.
Frappant. S’infiltrant. Déchaînée.
Et en moi sera le désert.
N’y entrera ciel tourmenté.
Et je serai face à la mer,
statue de chair et cœur de bois.
Et me ferai désert en moi.
Qu’importera l’heure. Sombre ou claire…
…
Quand mes pensées s’arrêtent
Et figent les instants
Quand en moi se répètent
D’autres lieux d’autres temps
Quand d’un mot d’une phrase
S’estompe le décor
Et quand un ange passe
D’ennui ou de remords…
Je cours après mon ombre
Et nul ne sait
.
Quand la folle nature
Me fait de grands cadeaux
Quand d’une fleur d’un murmure
Me vient comme un écho
Quand soudain souvenances
Vont s’accrochant aux heures
Et quand réminiscences
M’emplissent de langueur
Je cours après mon ombre
Et nul ne sait
.
Quand mes pensées s’arrêtent
Et figent mes pensées
Quand en moi se projettent
Appréhensions rentrées
Quand le temps et ses traces
Me gavent de frayeurs
Et quand je les ressasse
Ricanant de mes peurs…
Je cours après mon ombre
Et nul ne sait
.
Quand les jours en dérive
Se taisent infiniment
Quand l’image s’esquive
Et se couvre d’un blanc
Quand les anges s’éloignent
Et n’en ai chaud ni froid
Et quand regrets me gagnent
D’en être sans émoi…
Je cours après mon ombre
Et nul ne sait
…
Et s’usera le temps
au rythme des saisons.
S’useront mes printemps.
Et moi… je reste…
Je me voudrais marée
au rythme imperturbable.
Je me voudrais jetée.
Ou je me voudrais sable.
Et s’useront mes rêves.
Et s’usera ma joie.
S’useront mes combats.
Et s’usera ma sève.
Je me voudrais étang
à surface de moire
où les aubes et les soirs
se mirent infiniment..
S’usera ma gaieté.
S’useront mes attentes.
S’useront mes projets.
S’useront mes tourmentes.
Je me voudrais le vent.
Je me voudrais la mer.
Je me voudrais le temps
au rythme de la terre.
S’useront les images
qu’on garde au fond de soi.
Et s’useront les pages
qu’on se fit pas à pas.
Alors tel un vieux loup
au bout de son chemin,
je me voudrai caillou
au rythme de plus rien !
…
De gaieté en gaieté
J’ai contrefait ma joie
De tristesse en tristesse
J’ai camouflé ma peine
De saison en saison
J’ai galvaudé le temps
De raison en raison
J’ai nié l’évident
De silence en silence
J’ai parlé sans rien dire
De méfiance en méfiance
J’ai douté sans finir
De rancœur en rancœur
J’ai brisé l’essentiel
De pensée en pensée
J’ai flétri sans appel
De reproche en reproche
J’ai pétrifié les jours
Et puis de proche en proche
J’ai détruit tout amour…
De pleurs en espérances
J’ai conjuré le sort
De regrets en souffrances
J’ai torturé mon corps
Las…
De nuage en nuage
J’ai construit ma maison
Et d’un seul coup d’orage…
…
Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :
Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule… Pour tout ça je suis seul.