On croit entendre oui
Quand tout mon corps dit non
On croit que je ne vois pas
Quand mes paupières sont closes
On croit que leurs oublis
Valent mieux que mes souvenirs
On croit que mes silences
Valent un acquiescent
On croit que je renonce
Parce que je ne me bats pas
On croit qu’on me comprend
Parce qu’on parle ma langue
–
On croit bien ce qu’on veut
Mais je la sais rusée
La vérité
Elle avance masquée
Se planque dans le noir
Derrière les rideaux lourds
Sous les lits à barreaux
De nos chambres d’enfant
Elle se faufile espiègle
Se terre dans les silences
S’immisce dans les creux
Dans les plis de nos vies
Derrière les portes closes
–
On croit bien ce qu’on veut
Mais je la sais rusée
La vérité
Elle est dans les secrets que les enfants murmurent
Dans la morve et les larmes qui sèchent sur nos manches
Dans les vœux qu’on formule les yeux rivés au ciel
Elle vient trouver refuge
Dans les cendres d’un feu
Dans la tache de sang sur un drap qui fut blanc
Dans les mots déchirés au fond de la poubelle
On la retrouve parfois sur des lettres jaunies
Dans ces boîtes à chaussures transformées en écrins
En écrins à souvenirs qui patientent au grenier
Recouverts de poussière
–
On croit bien ce qu’on veut
Mais je la sais rusée
La vérité
Elle cache bien son jeu
Sous ses plus beaux atours
Pour venir se nicher
Dans les gorges nouées
Où les mots sont trop gros pour être prononcés
Dans les livres trop sages
Où elle n’a d’autres choix que d’emprunter les marges
Parfois c’est vrai, elle ne se cache pas
Et se dresse criante toute nue devant nous
Mais la plupart du temps il nous faut la chercher
La débusquer au loin
Par-delà le regard
–
Oubliez Saint Thomas
Qui ne croit que c’qu’il voit
Car à la vérité
Elle fait bien ce qu’elle veut
La vérité
Elle fait bien ce qu’elle peut.