Agota Kristof

La fenêtre était ouverte

la fenêtre de la nuit remplie d’obscurité et de vent

pourtant l’été flottait au-dessus des routes

et j’ai pensé que demain tu ne serais plus là

Je ne pleurais pas j’avais juste peur de m’évanouir

dans le vide que tu laisses derrière toi

je n’ai rien pour m’y accrocher

ta main ne sera plus là demain

Ce n’est pas parce que tu vaudrais plus que les autres

seulement par le plus grand des hasards je t’ai attribué

toutes les beautés et les tristesses et maintenant

puisque tu t’en vas je perds pied je reste là sans savoir

dans quel sens tourner mon visage

Peu importe puisque je dois vivre coûte que coûte

demain je sortirai dans la rue où les morts déambulent

dans ces rues je deviendrai blême à moins que je sache

où aller chez qui et pourquoi

Une fois plus tard je parlerai de quelque chose de beau

de douces choses tendres avec une imperceptible tristesse

un soir quand le ciel se remplira de beauté

quand les maisons se feront grises

et tout sera brouillard

Là sous la pluie

parmi les maisons monochromes

je parlerai de l’empire

des feuilles d’automne

car il sera octobre

Derrière le brouillard

vous vous taisez

le col relevé les mains frileuses

dans les poches

sans lumière comme l’ombre

Et la pluie glisse sur nos têtes nues

sous nos cols

douce tendre pluie

tombe sur les maisons sur les arbres

et le ciel

devient toujours plus beau

Et la beauté descendra sur vous

avec une imperceptible tristesse

et vous comprendrez que dorénavant ce sera toujours l’automne.